Incontinence urinaire (IU) chez le sujet âgé en oncologie
I. Contexte et définitions
- Incontinence urinaire (IU) : L’IU est un syndrome gériatrique et ne fait pas partie du vieillissement normal. Il s'agit d'une « perte d'urine, non volontaire et ayant un retentissement social ou d'hygiène."[[1]]
- Chez la personne âgée, elle est souvent multifactorielle, mais non inéluctable.
- La recherche des causes des incontinences transitoires réversibles est essentielle (médicaments)
- Prévalence : Fréquente chez les patients âgés, augmentée par les comorbidités oncologiques, les traitements et les effets secondaires.
- Souvent sous diagnostiquée (et sous-traitée), l' IU a des conséquences importantes sur la qualité de vie, la morbidité et le coût.
II. Dépistage systématique
- Interrogatoire : questionner directement sur la gêne urinaire (fréquence, contexte, impact sur la qualité de vie).
- Échelle d’évaluation (ex. IPSS,International Prostate Score Symptom ou ICIQ-SF, International Consultation Incontinence Questionnaire/ cf lien https://www.urofrance.org/fileadmin/medias/scores/score-IPSS.pdf; https://www.urofrance.org/fileadmin/documents2/data/PU/2011/v21i9/S1166708711000558/main.assets/mmc1.doc : pour objectiver les symptômes et évaluer leur sévérité.
- Facteurs de risque :
- Cancers pelviens (prostate, vessie, rectum) : forte probabilité d'IU due aux traitements locaux (chirurgie, radiothérapie).
- Effets secondaires des traitements : radiothérapie, chirurgie pelvienne notamment.
- Facteurs associés : comorbidités (cf Tableau I) , polymédication, baisse de la mobilité.
Tableau I : Liste des morbidités pouvant contribuer à la survenue d'une IU chez le sujet âgé.
III. Reconnaître les différents types d'IU
- Il existe plusieurs types d'IU (cf tableau II) :
Tableau II : Les différents types d'incontinence.
1/ L’incontinence urinaire d'effort (IUE) type « stress » (Stress Urinary Incontinence)
- Incontinence survenant en dehors d'une envie d'uriner, contemporaine d'un effort
- D'autant plus importante que l'effort est prolongé, intensif et la vessie pleine.
- Survient principalement chez la femme.
- Facteurs de risques : sexe féminin, âge, ménopause, surpoids, grossesses, accouchements, prolapsus,
- Chez l'homme, ce type d'incontinence est très rare et survient presque uniquement après une chirurgie prostatique.
2/ L'hyperactivité vésicale type « urge » / par urgenturie (Urge Urinary Incontinence)
- Symptôme clinique associant pollakiurie, urgenturie, impériosité, associée ou non à des fuites sur un besoin pressant non contrôlable.
- C'est la cause la plus fréquente chez la personne âgée.
3/ L'incontinence mixte (IUM) (mixed urinary incontinence)
- Associe les deux types précédemment définis.
4/ Incontinence par regorgement
- La rétention d'urine (globe vésical) doit être évoquée systématiquement chez la personne âgée.
- Conséquences graves: infection, sepsis, insuffisance rénale, risque fatal.
A part : IU dite transitoire et réversible (IURT) ou « fonctionnelle »
- La perte d'urine est due à des altérations cognitives ou organiques (ex : démence ou AVC) ou à des barrières liées à l'environnement qui perturbent le contrôle de la miction (ex : ne pas reconnaître le besoin d'uriner, ne pas savoir où sont les toilettes ou ne pas être capable de marcher jusqu'à des toilettes éloignées)
- Les facteurs déclenchants ou favorisants sont pour la plupart indépendants de l’appareil urinaire et potentiellement réversible.
Les causes d’incontinence transitoire sont résumées par l’anagramme « DIAPPERS »
D Delirium/état confusionnel
I Infection urinaire
A Atrophie vaginale
P Polymédication (cf Tableau III)
P Psychologique (facteurs)
E Excès de diurèse (Polyurie)
R Restriction ou réduction de la mobilité
S Selles (constipation, fécalome)
Tableau III : Principales classes pharmacologiques incriminées dans une Incontinence Urinaire transitoire et réversible (IURT)
IV. Conduite à tenir initiale
1/ Évaluation de la sévérité :
- = Déterminer l’impact sur la qualité de vie et adapter la prise en charge.
- Les conséquences de l'IU sont nombreuses (cf Tableau IV) tant pour la personne incontinente que pour l'entourage (proches ou soignants)
Tableau IV : impacts de l'IU
2/ Optimisation des facteurs modifiables :
- Révision des médicaments : ajustement des diurétiques, anticholinergiques, opioïdes si possible.
- Adaptation de l'hydratation : éviter les boissons irritantes (caféine, alcool).
3/ Mesures hygiéno-diététiques :
- Rééducation périnéale (si faisable) : par kinésithérapie ou exercices de Kegel (= exercices de rééducation musculaire du plancher pelvien pour l'incontinence d'effort. La stimulation électrique du plancher pelvien est une version automatisée des exercices de Kegel (biofeedback)
- Programmes de miction régulière : mictions programmées pour éviter les fuites.
V. Prise en charge spécifique
-
Les différentes thérapeutiques sont résumées dans le Tableau V
Tableau V : Traitements selon le type d'IU
1/ Thérapie médicamenteuse (si nécessaire et possible) :
- Chez le sujet âgé : Balance bénéfice / risque à évaluer avant chaque prescription
- Les effets atropininiques limitent leur utilisation en cas de glaucome, de risque de rétention urinaire notamment (HBP).
- Les effets anticholinergiques (tels que sécheresse buccale, constipation et parfois vision trouble ou confusion) font qu'ils sont à risque chez les personnes âgées.
- L'efficacité maximale est atteinte après 5 à 8 semaines de traitement.
- Il est recommandé de ne pas interrompre le traitement plus tôt, si celui-ci est bien toléré. Exemples de traitement dans l'IU (cf tableau VI)
Tableau VI : Type de médicaments utilisable dans l'IU :
(ACH) = anticholinergique
2/ Aide technique :
- Protection absorbante (couches pour adultes, protections lavables).
- Aide pour les déplacements aux toilettes.
3/ Chirurgie :
Il existe différentes techniques chirurgicales dont le choix dépend du mécanisme de l'IU et du pronostic de la maladie oncologique.
- La cystoplastie d'agrandissement (incontinence sévère par impériosité, réfractaire aux autres traitements, réservé chez le sujet jeune).
- La myomectomie du détrusor (diminuer les contractions vésicales indésirables )
- La dérivation urinaire
- Suspension du col vésical (corriger l'hypermobilité urétrale)
- Les bandelettes sous-urétrales, l'injection d'agents volumétriques périurétraux ou la pose chirurgicale d'un sphincter artificiel (traiter la défaillance du sphincter)
4/ Surveillance continue :
- Suivi régulier pour réévaluer les symptômes et ajuster le traitement.
- Prise en compte de l'évolution de la maladie oncologique et des effets secondaires.
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Céline LAZAROVICI-NAGERA - Maxime FRELAUT - GUSTAVE ROUSSY - Mise à jour en janvier 2025[1] Définition de la société internationale contre l'incontinence (ICS = International Continence Society), 2001